Échos
- Jean Vigneault
- 29 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 août

Je suis seul à Chicoutimi downtown, sur la rue Racine, dans le bas mais pas tant. Ils vont bientôt faire une expérience sur le haut de la rue, dans la bâtisse que je vois à travers les silhouettes des autres immeubles. Une rumeur court comme quoi ils voudraient tester une bombe. Ou c’est peut-être pas du tout un test ? C’est pas très clair. La rumeur circule parmi les gens et leur visage change rapidement quand ils réalisent tout le potentiel apocalyptique de l’affaire. L’attente est fébrile et anxiogène pour moi et la plupart. « And no one knows the where's or why's. » On entend quelque chose, et tout le monde dirige maintenant son regard vers l’édifice expérimental. Un son sourd, menaçant et prolongé se fait de plus en plus puissant, alors qu’une colonne de fumée grise monte lentement dans le ciel et confirme le début de l’explosion. Je dois fuir les lieux, et rapidement. Courir, c’est ma seule option. J’y mets toute mon énergie en descendant Racine, mais je me crois sur un tapis roulant, tellement j’avance lentement. Je tourne la tête derrière de temps en temps, et chaque fois la colonne de fumée a à peine augmenté sa hauteur. C'est une explosion version tsunami. « But something stirs and something tries ». Un ami apparaît à côté de moi, et on approche ensemble enfin de la rive. Nous arrivons sur le pont vert, dont on gravit la haute structure pour y courir, car il semble que la voie normale n’est pas accessible ou est inondée. « And everything is green and submarine ». En dessous de nous, passe un train qui va aussi en direction nord. Mon ami saute sur le toit du train en mouvement entre deux structures d’acier, comme dans une mission impossible, et je l’imite aussitôt. « Bien fait l’ami ! Ça ira plus vite comme ça. » Nous sommes maintenant dans une cabine du train, qui arrive sur l’autre rive. Un peu plus tard, il ralentit, puis s’arrête complètement. Tout le monde descend, mon ami aussi, et moi, je reste là. Après un moment, le train reprend du mouvement, mais en sens inverse. Lentement, il m’amène sur le bord de la rive nord, où je pourrai constater l’état du cataclysme l’autre côté de la rivière. Je termine à pied la distance qui me sépare d’une sorte de belvédère, où je m’installe, les coudes appuyés sur des gardes en métal. Le feu semble s’être propagé partout dans la ville pendant que la bâtisse explosive continue d’exploser avec une lenteur angoissante. Je tourne la tête : une femme est assise par terre, confortable. « Inviting and inciting me to rise ». Une sorte de sleeping bag l'enveloppe et sa tête repose sur un oreiller. Elle lit un livre, sans s’inquiéter une seconde de ce qui se passe sur l’autre rive du Saguenay. Ou contemple-t-elle ce sinistre spectacle entre deux pages ? J’envie sa sérénité et constate qu'il y a un écart incommensurable entre mon état d’esprit et le sien. Pourtant, « i am you and what I see is me. » Elle lève la tête une seconde vers moi, et je replonge dans mon livre, dans mon rêve, dans l'écho de mon réel imaginaire.
Je me réveille. Il est encore trop tôt pour me lever, alors je repasse dans ma tête cette aventure, mais je devrai aussi l’écrire et l’orner de quelques impressions, car elle m’imprègne trop fortement malgré… non, pas malgré, mais à cause de son ambiguïté. Plus tard dans la journée, excédé par ce que j'entends et lis, je ferme la radio et tous mes onglets d'actualité avant de retrouver cette photo qui en traduit parfaitement l’ambiance, en écoutant une musique qui résonne tout aussi parfaitement avec son dénouement. Je n'aurai pas rêvé tout à fait pour rien.
« And do I take you by the hand
And lead you through the land
And help me understand the best I can ? »
Comments